Back to top: March Bloch
Excerpts from Bloch 1949 Apologie Histoire
p. xii-xiii | History as a science | Car la nature de notre entendement le porte beaucoup moins à vouloir savoir qu'à vouloir comprendre. D'où il résulte que les seules sciences authentiques sont, à son gré, celles qui réussissent à établir entre les phénomènes des liaisons explicatives. (...) Indépendamment même de toute éventualité d'application à la conduite, l'histoire n'aura donc le droit de revendiquer sa place parmi les connaissances vraiment dignes d'effort, seulement dans la mesure où, au lieu d'u ne simple énumération, sans liens et quasiment sans limite, elle nous promettra un classement rationnel et une progressive intelligibilité. |
p. 2-5 | Mankind as the object of research | On a dit quelquefois: "l'Histoire est la science du passé". C'est à mon sens mal parler. (...) "Science des hommes", avons-nous dit. C'est encore beaucoup trop vague. Il faut ajouter: "des hommes dans le temps". L'historien ne pense pas seulement "humain". L'atmosphère où sa pensée respire naturellement est la catégorie de la durée.
Certes, on imagine difficilement qu'une science, quelle qu'elle soit, puisse faire abstraction du temps. Cependant, pour beaucoup d'entr'elles, qui, par convention, le morcèlent en fragments artificiellement homogènes, il ne représente guère plus qu'une mesure. Réalité concrète et vivante rendue à l'irréversibilité de son élan, le temps de l'histoire, au contraire, est le plasma même où baignent les phénomènes et comme le lieu de leur intelligibilité. (...) Or, ce temps véritable est, par nature, un continu. Il est aussi perpétuel changement. De l'antithèse de ces deux attributs viennent les grands problèmes de la recherche historique. |
Bloch reviews the idea of "indirect" knowledge of the past, and shows how archaeological documents and written documents can and should be used and interpreted in order to reconstruct past events.
pp. 19-20 | Archaeology and witnesses | Il est cependant d'autres éventualités. Dans les murs de certaines citadelles syriennes, élevées quelques millénaires avant Jésus-Christ, les archéologues ont retrouvé de nos jours, prises en plein bloquage, des poteries pleines de squelettes d'enfants. Comme on ne saurait raisonna blement supposer que ces ossements soient venus là par hasard, nous sommes de toute évidence en face de restes de sacrifices humains, accomplis au moment même de la construction et liés à celle-ci. Sur les croyances qui s'expriment par ces rites, force nous sera sans doute de nous en remettre à des témoignages du temps, s'il en existe, ou de procéder par analogie à l'aide d'autres témoignages. Une foi que nous ne partageons pas, comment donc la connaîtrions-nous sinon à travers les dires d'autrui? C'est le cas, il faut le répéter, de tous les phénomènes de conscience dès qu'ils nous sont étrangers. Quant au fait même du sacrifice, par contre, notre position est bien différente. Certes, nous ne le saisissons pas, à proprement parler, d'une prise absolument immédiate; pas plus que le géologue, l'ammonite dont il découvre le fossile. Pas plus que le physicien, le mouvement moléculaire dont il décèle les effets dans le mouvement brownien. Mais le raisonnement très simple qui, en excluant toute autre possibilité d'explication, nous permet de passer de l'objet véritablement constaté au fait dont cet objet apporte la preuve - ce travail d'interprétation rudimentaire très voisin, en somme, des opérations mentales instinctives sans lesquelles aucune sensation ne deviendrait perception - il n'est rien chez lui qui, entre la chose et nous, ait exigé l'interposition d'un autre observateur. Les spécialistes de la méthode ont généralement entendu par connaissance indirecte celle qui n'atteint l'esprit de l'historien que par le canal d'esprits humains différents. Le terme n'est peut-ê tre pas très bien choisi; il se borne à indiquer la présence d'un intermédiaire; on ne voit pas pourquoi ce chaînon serait nécessairement de nature humaine. Acceptons cependant, sans disputer sur les mots, l'usage commun. En ce sens, notre connaissance des immolations murales, dans l'antique Syrie, n'a assurément rien d'indirect. |
p. 22-23 | Borders of History | Le passé est, par définition, un donné que rien ne modifiera plus. Mais la connaissance du passé est une chose en progrès, qui sans cesse se transforme et se perfectionne. (...) Tout cela nous permet les plus vastes espoirs. Non des espoirs illimités. Ce sentiment de progression véritablement indéfinie que donne une science comme la chimie, capable de créer jusqu'à son propre objet, nous est refusé. C'est que les explorateurs du passé ne sont pas des hommes tout à fait libres. Le passé est leur tyran. Il leur interdit de rien connaître de lui qu'il ne leur ait lui même livré, sciemment ou non. |
Given the differences in typologies of documents at the historians' disposal, Bloch advocates the necessity of a broad knowledge of the main field of research on one side, but first of all the importance of the cooperation among scholars working on different kinds of documents.
p. 27 | Working in teams |
La diversité des témoignages historiques est presque infinie. Tout ce que l'homme dit ou écrit, tout ce qu'il fabrique, tout ce qu'il touche peut et doit renseigner sur lui. Il est curieux de constater combien les personnes étrangères à notre travail jaugent imparfaitement l'étendue de ces possibilités. (...) L'illusion serait grande d'imaginer qu'à chaque problème historique réponde un type unique de documents, spécialisé dans cet emploi. Plus la recherche, au contraire, s'efforce d'atteindre les faits profonds, moins il lui est permis d'espérer la lumière autrement que des rayons conver gents de témoignages très divers dans leur nature. (...) p. 28: Or, si presque tout problème humain important appelle ainsi le maniement de témoignages de types opposés - c'est au contraire, de toute nécessité, par type de témoignage que se distinguent les techniques érudites. (...) Il est bon, à mon sens, il est indispensable que l'historien possède au moins une teinture de toutes les principales techniques de son métier. Fût-ce seulement afin de savoir mesurer à l'avance la force de l'outil et les difficultés de son maniement. (...)
Cependant, quelque variété de connaissances qu'on veuille bien prêter aux chercheurs les mieux armés, elles trouveront, toujours et ordinairement très vite, leurs limites. Point d'autre remède alors que de substituer à la multiplicité des compétences chez un même homme, une alliance des techniques pratiquées par des érudits différents, mais toutes tendues vers l'élucidation d'un thème unique. Cette méthode suppose le consen tement au travail par équipes. Elle exige aussi la définition préalable, par accord commun, de quelques grands problèmes dominants. |
Once the scientific nature of history has been proved, Bloch also highlights the significance of a clear classification and of the use of a specific glossary.
p. 78 | The importance of analysis | Mais le travail de recomposition ne saurait venir qu'aprés l'analyse. Disons mieux: il n'est que le prolongement de l'analyse, comme sa raison d'être. Dans l'image primitive, contemplée plutôt qu'observée, comment eût-on discerné des liaisons, puisque rien n'était distinct? Leur réseau délicat ne pouvait apparaître qu'une fois les faits d'abord classés par lignées spécifiques. |
p. 79 | A shared terminology | Probléme de classement inséparable, à l'expérience, du probléme fondamental de la nomenclature. Car toute analyse veut d'abord, comme outil, un langage approprié; un langage capable de dessiner avec précision les contours des faits, tout en conservant la souplesse nécessaire pour s'adapter progressivement aux découvertes, un langage surtout sans flottements ni équivoques. |